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Les mille et une versions du Monopoly : du jeu originel aux jeux détournés

Dernière mise à jour : 6 juil. 2021


Saviez-vous que le « Monopoly » a été inventé par une femme ? Elizabeth Lizzie J. Magie crée en 1903 « Land’s Lord » : un jeu pour dénoncer l’appropriation des terres et du système de rente qui l’accompagne.

© The Strong National Museum of Play


Disciple de l’économiste Henry George, dont la thèse est que la terre est une propriété commune, Magie a pensé son jeu comme un outil pédagogique : « Que les enfants voient clairement l'injustice flagrante de notre système foncier actuel ».


« Land’s Lord » dénonce le fait que les propriétaires fonciers s’enrichissent sur le dos des locataires. Ces derniers s'appauvrissent à mesure que les terres disponibles diminuent et que le coût du loyer augmente. Grâce au bouche à oreille, « Land’s Lord » se diffuse dans les milieux universitaires de gauche.


"Monopoly" : un jeu capitaliste



Trente ans plus tard, Charles Darrow, un Américain ruiné par la crise de 1929, modifie le jeu pour en faire une version capitaliste.


Désormais, le but du jeu est d'acheter, louer ou vendre des terres pour faire le plus de profit possible.


© Monopolymedia


En 1935, l’éditeur Parker Brothers publie le jeu sous le titre de « Monopoly ». C’est un véritable succès. L’éditeur offre 500 dollars à Magie pour l’achat des droits de son jeu, sans royalties.


"Anti-Monopoly" : un jeu à l’opposé du Monopoly


La véritable histoire du Monopoly est révélée en 1976. Ralph Ampsach, professeur d’économie et auteur du jeu « Anti-Monopoly », est poursuivi par l’éditeur Parker Brothers pour infraction au droit des marques.


La bataille juridique dure dix ans, période durant laquelle Ralph Ampsach dévoile l’origine du

« Monopoly », une histoire que Parker Brothers a tenté de cacher pendant de nombreuses années. La Cour Suprême donne raison à Ralph Ampsach qui peut enfin compléter le nom de son jeu, sous le titre d' « Anti » le temps du procès.

© The Strong National Museum of Play


Dans la règle du jeu, l’Anti-Monopoly est présenté comme un jeu révolutionnaire où « chaque joueur choisit son camp : sera-t-il Monopoliste ou Concurrent ? Les Monopolistes ne suivront pas la même règle du jeu que les Concurrents. (…) Les premiers, par exemple, ne pourront pas construire de maisons ni d’hôtels dans une ville avant d’en détenir le monopole, alors que les seconds peuvent toujours construire, qu’ils possèdent une ville tout entière ou seulement l’une de ses rues. »


La mascotte du Monopoly : figure du street-art militant


© Bobaliciouslondon


En soutien au mouvement « Occupy London », qui travaille à créer des alternatives à un système « injuste et antidémocratique », l’artiste Bansky a installé une version géante du Monopoly à Londres en octobre 2011. La mascotte du jeu, Rich Uncle Pennybags, y est représenté sous les traits d’un mendiant.


Alec Monopoly, street-artiste américain a également choisi de représenter Rich Uncle Pennybags pour dénoncer la crise bancaire et financière de 2008. « Je pensais que c'était le symbole parfait de ce qui se passait » affirme-t-il dans une interview, le visage masqué. Il a donc commencé à taguer dans les rues de Los Angeles et le surnom Alec Monopoly lui est resté.


© Alec Monopoly


La représentation de son personnage fétiche a évolué au fil des ans. « Je l’utilisais comme le métarécit de ce qu’il se passait avec Bernie Madoff et Wall Street, explique-t-il. Auparavant, je lui donnais une mauvaise connotation. Aujourd’hui, c’est différent. J’ai commencé à vivre cette vie de Monopoly Man. De mauvaise connotation, je lui ai donné une connotation positive. Je vis une vie où je suis une performance artistique de lui-même. »


"Womanopoly" : une oeuvre d’art féministe



Stella Dadzie, historienne, écrivaine et militante féministe noire, a créé « Womanpoly » à la fin des années 1970. Dans ce jeu, les joueurs explorent de manière humoristique la vie des femmes.

L’introduction du jeu annonce clairement : « Un jeu de femmes contre les hommes, dans une société où toutes les chances jouent contre elles… Les hommes devraient essayer de jouer le rôle des femmes pour voir à quoi cela ressemble. Souvenez-vous, ce n’est qu’un jeu… »

"Gay Monopoly" : un jeu célébrant la culture homosexuelle


Edité par Fire Island Games en 1983, « Gay Monopoly » est un jeu basé sur la culture gay masculine aux Etats-Unis (pas de référence à la culture lesbienne). Les pions du jeu sont une casquette en cuir, des escarpins à talons hauts, des menottes, un sèche-cheveux et un ours en peluche.

© Janus


Les joueurs construisent des bars et des bains publics et les gares ferroviaires ont été remplacées par des discothèques. Le mécanisme du « Monopoly » est enrichi par un jeu de quiz « Family Pride ». Les joueurs doivent deviner le nom d’un homme gay célèbre. En cas de bonne réponse, le joueur peut se déplacer sur la case de son choix.

Attention, les règles ne sont pas figées ! « Lorsque vous jouez à Gay Monopoly soyez inventif comme les homosexuels le sont toujours » affirme le slogan du jeu.


Le jeu, dont tous les bénéfices ont été reversés à des associations de lutte contre le sida, n’a hélas pas duré. Ses créateurs ont été poursuivis pour violation du droit d’auteur par les éditions Parker.


Versions bonus


L’imagination des fans de Monopoly n’a pas de limite. Le site Monopoly Wiki présente 408 versions détournées du célèbre jeu. Un des plus beaux plateaux de jeu est « Elvis-opoly », à la gloire du « king ».



Une partie de « Monopoly » peut également être romantique. Un californien a personnalisé le jeu pour concrétiser sa demande en mariage.


Lorsque sa fiancée est tombée sur la case

« Chance », elle a pioché une carte sur laquelle il était écrit : « Veux-tu m’épouser ? Si oui, avance jusqu’à la case « Taxe de luxe ».


Grâce à un mécanisme ingénieux, la case s’est soulevée et une bague est apparue !


© Imgur

"Monopoly" 2021


Hasbro, la société de jouets qui produit Monopoly, a annoncé en mars 2021, qu'elle mettait à jour les cartes « Caisse de communauté ». Les internautes peuvent voter, pour chacune des cartes, le nouveau texte qui figurera sur les prochaines éditions du jeu.

Des associations appellent Hasbro à aller plus loin. « Abolir la case prison » ou « supprimer les loyers» pour se rapprocher de l’idée originel du jeu.


Un "Monopoly" aux règles reflétant les inégalités sociétales

L'Observatoire des inégalités, organisme indépendant qui collecte des données et des statistiques sur les inégalités sociales, a réalisé une vidéo dans laquelle les enfants jouent au Monopoly. Le plateau de jeu est identique mais les règles reflètent la réalité de la société actuelle. « Tu passes la case départ et normalement c’est 200 €. Mais toi, puisque tu es une fille, c’est 150 € ». Les réactions des enfants sont immédiates.

Le message sur les inégalités rejoint celui du jeu « Land’s Lord » de Magie ! La boucle est bouclée.



Conclusion


L'histoire du "Monopoly" montre à quel point le jeu de société transmet une représentation du monde qui repose sur un courant de pensée dominant ou non. Le renversement de paradigme intervient lorsque les

joueurs investissent le champ ludique en détournant les jeux pour revendiquer une identité qui leur est propre ou affirmer leurs valeurs.

Ces nouvelles formes dérivées du jeu deviennent des "oeuvres d'art" dans le sens où l'art donne à voir.

« L'art n'imite pas le visible, il rend visible » affirmait le peintre Paul Klee.


 

Sources :


Site officiel d'Alec Monopoly


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